Avec des traitements lourds, pas facile pour les patients de se lancer ou de poursuivre une activité physique. Pourtant, des associations spécialisées comme la Cami sport et cancer peuvent encadrer les volontaires dans des séances adaptées. Pour les bénéficiaires, l’effet bénéfique est garanti pendant et après les traitements. Reportage dans un cours de médiété-marche nordique avec le comité du Calvados de la Cami.
“Notre pays a toujours eu une politique de soin ; on n’a pas l’habitude de penser que l’on peut être pris en charge différemment qu’avec des thérapies médicamenteuses lourdes.” Avec sa loi de modernisation du système de santé, la Rouennaise Valérie Fourneyron a élevé l’activité physique (AP) au rang de “médicament” pour les patients atteints de maladies graves. Ancienne ministre des Sports, elle a porté la loi, votée en 2016, sur le “sport sur ordonnance”, qui permet à tous les médecins généralistes de prescrire une activité physique aux patients en affection longue durée (ALD). Les malades atteints d’un cancer ou d’un lymphome peuvent donc questionner leur médecin traitant pour obtenir une ordonnance, non-remboursée par la sécurité sociale, mais en partie prise en charge par certaines mutuelles. Bien que les hématologues et autres spécialistes du milieu hospitalier ne peuvent pas prescrire, des débats sont en cours suite à un rapport référençant les offres de sport sur ordonnance en France. Nul doute que les choses devraient bouger au fil des années, pour que la prise en charge des patients par le sport soit généralisée.
BÂTONS, MÉDIÉTÉ ET CANAPÉ
D’autres n’ont pas attendu la loi Fourneyron ou la Haute autorité de santé (HAS) – qui reconnaissait en 2011 l’AP comme une thérapie non-médicamenteuse – pour prendre en charge des malades du lymphome. C’est le cas de l’association Cami sport et cancer, pionnière en la matière. Depuis 2009, cette fédération nationale a même ouvert un diplôme à l’université Paris 13, pour former ses éducateurs à l’encadrement de malades de cancers. Une formation à laquelle a participé Julien Gendre, responsable de l’antenne du Calvados. Plusieurs fois par semaine, il jongle entre Caen et Lisieux pour proposer une activité à des dizaines de patients – majoritairement des patientes – en traitements ou après leur rémission. Et il a l’oeil, Julien. Dans son cours alliant la marche nordique avec le médiété (une approche thérapeutique inventée par la Cami pour “apprendre par le mouvement à utiliser son corps avec efficience pour en tirer le plus grand bénéfice”), il scrute les moindres faux mouvements et les gestes qui pourraient causer des douleurs aux participants. “Pousse un peu sur tes bâtons, en fin de mouvement”, “garde le dos bien droit”. En ce jour de mai un peu ombragé, il n’hésite pas à taquiner des marcheuses qui gardent le sourire malgré tout. Le jardin de la Colline aux oiseaux à Caen devient leur terrain de jeu. Entre chaque petit exercice de médiété ou de renforcement musculaire, elles marchent dans les allées vertes sous le regard de passants amusés par ce groupe à bâtons. Elles marchent d’un bon pas et s’éloignent un peu du quotidien de malade.
Retraitée, Marie-Françoise, casquette sur le crâne, assiste au cours pour la première fois, après avoir découvert la Cami dans un reportage de l’émission “Allô docteur”. “C’est ça ou la sieste dans le canapé”, sourit-elle dans son épais manteau, peu adapté à la pratique sportive. Plus loin, dans les Hauts-de-Seine, Béatrice Letourneur non plus n’a pas souhaité se laisser aller. Traitée pour un lymphome non-hodgkinien à grandes cellules B, c’est son hématologue qui lui indique qu’elle devrait garder une activité sportive. Elle peut alors bénéficier de 10 cours gratuits pour découvrir la Cami. “J’y suis allée sans y croire, en me disant que ça allait être des trucs style yoga, plus dans la libération de l’esprit”, se souvient cette femme de 52 ans. Les premiers mois sont difficiles : “Je dormais à l’issue de ces cours, car quand on n’a pas d’activité pendant un an et demi grosso modo, c’est difficile”. Mais au fil du temps, ces séances deviennent un besoin vital, tant les progrès sont importants : “Pour être très claire, à la Cami, celle qui m’a poussée dans le bon sens du terme, c’est Karine, la coach. Il faut trouver le bon coach qui comprenne notre pathologie, car on n’a pas les mêmes problématiques en fonction du cancer.” Au fil des mois, les médecins eux-mêmes se rendent compte du changement dans les prises de sang de Béatrice. Les chutes de globules sont devenues rares et son état se stabilise.
“Aujourd’hui, je ne suis plus dans mon canapé, j’ai la pêche. Je suis consciente que sans le sport, je n’aurai rien fait de tout cela.”
Un changement physique qui va de paire avec une confiance retrouvée. Béatrice, confiante sur ses capacités, est même encouragée, en novembre 2017, à reprendre le travail en mi-temps thérapeutique. Bien que la cohabitation avec ses anciennes collègues n’est pas toujours facile après la maladie, elle poursuit ses séances, deux fois par semaine, pendant ses traitements d’immunothérapie.
LES TROIS CLEFS DU BIEN-ÊTRE
Ces améliorations notables sur la qualité de vie sont dues à trois recommandations résumée par Thomas Ginsbourger, coordinateur des dispositifs intra-hospitaliers à la Cami :
“En premier, il faut pratiquer une activité d’endurance, au moins 30 minutes de marche ou de footing, cinq fois par semaine. Deuxièmement, on peut rajouter des exercices de renforcement musculaire comme monter les escaliers. Enfin, il faut rompre les temps de sédentarité, en limitant les temps passés assis, et en se levant un peu toutes les heures. Toutes ces recommandations doivent être effectuées le plus régulièrement possible pour être efficaces.”
Comme pour un médicament, l’AP fait donc l’objet de doses précises, que ce soit en prévention primaire, secondaire ou tertiaire. “Et plus les doses sont importantes, plus les effets sont bons”, note le cadre de la Cami. Des règles d’or bien comprises par le Dr Fruchart, hématologue au CHU de Caen, qui a fait venir Laury Aulnette, coach en activité physique adaptée (APA), dans son service pour intervenir directement en chambre et des exercices aux patients, peu importe leur condition. “Certains ne peuvent pas se lever, alors on fait des exercices assis, ou dans le lit. Tout est adapté”, précise la jeune femme, ancienne basketteuse de haut niveau.
Seulement, même si l’AP peut s’adapter à tous, certains ne trouvent pas toujours la force ou la motivation de la pratiquer. Sylvie s’est retrouvée dans cette situation. “Incapable d’ouvrir une bouteille d’eau”, pendant ses chimiothérapies consécutives à un lymphome hodgkinien, début 2014, elle a bien cru que “les traitements allaient [la] tuer.” Soignée à Caen et âgée de 61 ans, Sylvie n’a jamais été très active. “Je pense que c’est une des raisons qui ont fait que je ne pouvais plus bouger pendant la maladie”, confesse celle qui a depuis repris son travail. Au CHU, personne ne lui parle de faire du sport. Ce n’est qu’après sa rémission qu’elle souhaite débuter une activité et découvre la Cami et les cours de Julien Gendre. Elle retrouvera une bonne condition au fil des séances, au point de se sentir “plus en forme qu’avant le lymphome.” Preuve qu’avant, pendant, ou après une maladie grave, il n’est jamais trop tard pour prendre sa dose d’activité physique.
Un article tiré de notre dossier “Activité physique et lymphome” paru dans le magazine de France Lymphome espoir en juillet 2018.