Courseulles-sur-Mer, jeudi 15 juin 2023
BADMINTON ET Course à pied, adriana di cola n’a jamais arrêté, même quand on lui a diagnostiqué un cancer du sein stade 3. toujours en écoutant son corps, sans regretter de ne plus être capable des mêmes choses qu’avant que la maladie n’intervienne dans sa vie. et a même créé une association, liber’trail, pour parler des bienfaits du sport et inciter d’autres malades à suivre ses pas.
C’est lors d’un semi-marathon que j’ai découvert le cancer : j’avais coincé une barre de céréales dans ma brassière, et avec les frottements, je me suis rendu compte que j’avais un hématome. Cancer du sein, stade 3. C’était en 2015, j’avais 42 ans et étais rentrée depuis quelques mois de Polynésie où j’étais installée et où j’avais une vie très active.
En revenant en France, on avait fait un deal avec mon chéri : je prends 2 ans, sans travailler, pour m’occuper des enfants et de moi-même. J’en ai profité pour faire davantage de sport : j’ai continué le badminton et je me suis remise à la course à pied, avec pour objectif ce semi-marathon en juin 2015, puis la Sénégazelle en février 2016, une course de solidarité pour permettre à des enfants du Sénégal d’accéder à l’éducation en les dotant d’un trousseau scolaire.
Au début de mes soins, le personnel médical m’incitait à reporter cette course, même si ma chimiothérapie devait se terminer juste avant le départ. Ils me disaient aussi que mon corps allait être tellement affaibli par les traitements que je ne pourrai plus continuer le sport…
Mais j’ai continué, parce que je ne pouvais pas m’arrêter.
Et j’ai eu la chance de bien vivre ma première chimio, physiquement et dans ma tête ; j’étais bien entourée. Suivant les mises en garde des médecins, j’ai finalement reporté cette course à juillet 2016, soit un an après le diagnostic.
15, 20, 40 kilomètres… « C’est dingue, j’y arrive ! »
Et puis la vie a repris son cours et je me suis dit que j’avais bien fait de continuer le sport. J’ai aussi repris le travail.
En juin 2019, alors que j’étais sous hormonothérapie, mon conjoint a eu une opportunité au Cambodge, je l’ai suivi. De nouveau, j’ai arrêté de travailler ; je m’occupais dans le milieu associatif. Avec une amie ultra-traileuse rencontrée sur place, on est parties, fin 2020, faire 250 kilomètres en 4 jours, le long du Mékong, à pied et à vélo. C’était énorme, d’autant que là-bas, j’avais du mal à courir ; je courais tous les jours, mais je souffrais de la chaleur et de l’humidité pesantes. Je pense que c’est le climat qui ne m’allait pas. Ou la maladie qui me fatiguait.
J’étais à la toute fin de mon traitement en hormonothérapie, il me restait un mois quand on m’a découvert une rechute. J’avais des ganglions au niveau de la gorge depuis 3 semaines, sans douleur. Je suis allée voir un ORL au Cambodge ; la consultation a duré 3 minutes : « Vous rentrez en France, il y a 50 % de chances que ce soit une récidive. »
En janvier 2021, je suis rentrée, en laissant en Asie mon conjoint, qui venait de créer son entreprise, et mes enfants. J’étais repartie pour le même protocole, chimio et rayons. Je suis une personne plutôt positive, alors je me suis dit : « Je l’ai fait une fois, je peux recommencer. Je mets un an entre parenthèses et tout va rentrer dans l’ordre. »
J’allais donc être toute seule pendant 6 mois. L’avantage, c’est qu’en étant éloignée, mes proches n’allaient pas avoir à supporter ça encore une fois, parce que c’est aussi difficile pour l’aidant.
Je me suis demandé ce que j’allais bien faire, loin des miens ; il me restait la course à pied.
Tous les jours, je courais, à chaque fois un peu plus. Pas jusqu’à épuisement, mais 15, puis 20 km, et si ça n’allait pas, je m’arrêtais. Et puis 40. « C’est dingue, j’y arrive ! » Parfois, je m’organisais pour aller à mes rendez-vous de chimiothérapie sans voiture, pour rentrer en courant.
J’avalais les kilomètres mais contrairement à ma première chimio, 5 ans auparavant, je ne pouvais plus courir aussi vite. Ça ne m’a pas découragée, je me disais juste : « Je ne peux plus aller vite, mais je tiens sur mes jambes. » Quand j’étais fatiguée le soir, je me disais que c’était parce que j’avais couru, pas parce que j’étais malade.
Traitements à vie
À la fin de ma chimio, fin mai 2021, j’ai voulu me lancer un petit défi : courir 465 kilomètres ! Je voulais fêter la vie en courant chaque jour le nombre de jours calendaires ; de toute façon, je n’avais que ça à faire. 1er juin, 1 km ; 2 juin, 2 km, etc. Je n’avais jamais autant couru de ma vie ! J’ai récupéré ma forme en un mois et ça a beaucoup fédéré autour de moi. C’était fantastique de voir tout ce monde courir avec moi ! Et cette fois-ci, les médecins ont pensé que c’était grâce à la course à pied. Ils se sont mis à m’encourager à courir toujours plus, tout en m’écoutant.
Ce n’est qu’après ma chimio que j’ai compris que cette fois-ci, ce n’était pas une parenthèse d’un an comme je l’avais imaginé : il s’agissait d’une récidive et j’allais avoir un suivi médical à vie ! Avec un protocole de soins plus léger, mais l’obligation de me rendre à l’hôpital toutes les 3 semaines.
Quand j’ai compris ça, ça a été un coup de massue : pas de retour envisageable au Cambodge pour retrouver ma famille ! Il a fallu que j’encaisse, que je réorganise ma vie. Mes enfants et mon conjoint sont rentrés les uns après les autres et notre famille a été enfin réunie en octobre 2021… date à laquelle j’ai aussi couru 80 kilomètres en hommage au personnel du centre de lutte anticancer, pour clore Octobre rose. C’était la première fois que je faisais une telle distance dans la journée !
Et puis, en octobre 2022, on m’a annoncé que le traitement ne fonctionnait plus. Ç’a été le pire moment de ma vie dans la maladie. J’avais une fracture d’une vertèbre, due à la présence de métastases. J’ai eu droit à de la radiothérapie pour neutraliser ces cellules cancéreuses, suivie d’une nouvelle chimiothérapie toutes les 3 semaines, « en prévention ». Je ne comprenais plus. Pourquoi opter pour des traitements préventifs lourds plutôt que pour une biopsie sur les zones suspectées ?
J’ai eu peur de mourir : je voyais les traitements échouer les uns après les autres. Je me disais : « Ça va être ça, ma vie ? »
Jusque-là, c’était « simple » comme une course à pied : je savais que je partais pour tant de mois de traitement. Là, on m’annonçait un traitement sans fin… C’était inconcevable pour mon esprit. Un oncologue a trouvé les bons mots : « C’est comme l’ultra-trail, vous partez, et après c’est un pied devant l’autre. » Il m’a fallu ces mots pour que le cerveau percute, et que finalement mon corps accepte et encaisse ce nouveau traitement.
50 kilomètres par jour en juillet
Aujourd’hui, je supporte très bien ce traitement. Et j’arrive à courir toujours plus loin, toujours plus longtemps. Je suis persuadée que le sport m’est bénéfique : à la suite de la radiothérapie, une partie d’un poumon a été brûlée, je le sentais parce que ça me coupait la respiration ; on m’avait dit que ça mettrait du temps à se résorber, et ça s’est résorbé plus vite que prévu.
Je suis tombée dans le vice de l’ultra-trail. Je me suis inscrite en juillet 2022 à l’Ultra-Marin, une course de 100 kilomètres dans le Morbihan. J’avais envie de crier à tout le monde que j’étais sous chimio ! Hormis quelques crampes dues aux médicaments, j’étais bien, et j’étais même encore mieux après.
Depuis, j’enchaîne : 3 jours intenses à Madère avec 8 000 mètres de dénivelé en février ; le Vulcain, une course de 80 kilomètres pour mes 50 ans en mars ; l’UTMB d’Alsace fin mai, 110 kilomètres. Et ce mois de juin, j’ai relancé mon défi de courir les jours calendaires, dans le but de récolter des fonds pour une association au Cambodge. J’ai d’ailleurs créé avec une amie, en janvier 2023, l’association Liber’trail, qui promeut les bienfaits du trail sur la santé, pour courir encore plus… mais solidaire !
Notre dernier défi s’est déroulé en juillet : un périple de 8 jours sur le GR 223, entre Pirou plage, dans le Cotentin, et Courseulles-sur-Mer, où je vis, à raison de 50 kilomètres par jour, avec pour objectif de faire de la prévention et lever des fonds pour les soins de support au centre de lutte anticancer. Des médecins nous ont même suivies sur une ou plusieurs étapes !
commentaire
Je suis très émue par votre témoignage. Je penserai bien à vous quand j’aurai attaqué mon traitement si d’aventure, j’ai la flemme d’aller courir.
Chapeau 🎩 Madame.