Caen, mercredi 14 juin 2017
Champagne ! Ce lundi de mars, on fête au restaurant notre décision de lancer notre projet. Dans deux mois, fin mai, le CDD de Léa se terminera et Vincent sera toujours en arrêt maladie. Nous pourrons alors nous jeter à corps perdus dans l’écriture, la réalisation et la production de notre docu. Deadline ? Six mois, un an au maximum. Y’a qu’à.
“Vous savez, j’ai vu des projets qui ont pris huit, dix ans !” À la Maison de l’image, une structure qui veut développer l’audiovisuel en Basse-Normandie, où on est venus chercher des conseils, on n’impressionne pas. Bien au contraire : on nous fait vite comprendre que des projets comme le nôtre, elle en vu passer.
“Oui, vous avez un thème, c’est bien. Mais vous n’avez pas de sujet. Vous n’avez pas de quoi faire un documentaire de création.”
On comprendra plus tard que, dans le langage des cinéastes, le sujet équivaut à peu près à ce que nous, journalistes, appelons un angle. M’enfin, jusque là, on le savait, qu’on n’était pas bien avancés. L’entretien aura toutefois eu le mérite de nous faire prendre conscience du long chemin qui nous attendait. Il fallait qu’on s’y mette.
Mais malgré toute la motivation du monde, ce n’est pas si facile de se lever le matin pour travailler sur un projet tellement flou qu’on n’a aucune idée de ce par quoi commencer. De tenter de trouver un rythme, 8h30 petit déjeuner, 9h début du travail, 19h pause sportive. Bon, rapidement, l’agenda se dérègle. C’est le problème quand on n’a pas besoin de réveil. Au départ, ça ressemble plutôt à ça : 10h lever, 10h30 petit déjeuner devant une série, 13h sortie du lit et sport l’après-midi. C’est vrai, quoi, à quoi bon se presser ? Est-ce qu’on n’a pas le droit, d’abord, de s’accorder quelques jours de vacances ? Léa va pointer au chômage, on pourrait d’abord profiter de ce temps libre que nous avons ensemble ? Et puis, de toute façon, à quoi bon commencer vraiment alors qu’on doit descendre dans le sud les deux dernières semaines de juin ?
Fallait-il qu’on s’inquiète ?
On essaie quand même d’avancer à petits pas. On prépare une liste de sujets qu’on pourrait réaliser sur le site ; on crée des outils pour nous organiser ; on rencontre des amis caennais qui nous expliquent le synopsis ; et on liste le matériel dont on va avoir besoin – à commencer par un appareil photo. Un professionnel, qui nous permettrait de faire de belles vidéos. On opte pour le Nikon D750 : Léa avait déjà un objectif d’argentique de cette marque, une focale fixe idéale pour les portraits qu’elle voulait continuer d’utiliser. On choisit de l’agrémenter d’un objectif 24-70mm et on file essayer le tout dans les rues d’Arromanches, pour la commémoration du 6 juin. Une petite merveille, qu’il nous faudra apprivoiser et accompagner d’un micro et d’un logiciel de montage vidéo. Pour commencer.
Rapidement, on trouve la protagoniste de notre future première vidéo de notre site Internet. L’algorithme de Facebook a bien cerné notre intérêt pour les pages liées au cancer, il nous montre celle de Lou, 16 ans, qui se bat contre un lymphome. Ancienne danseuse, elle prend des cours de sport en visioconférence. Une aubaine : la machine est lancée. Dès lors, les bonnes nouvelles s’enchaînent : l’association de Bonnebosq (14), Le Sourire d’Héléna, nous contacte à la suite d’un article sur le marathon de Vincent, elle est prête à nous aider ; les voisins des parents de Léa nous mettent en contact avec leur fille, qui travaille dans la recherche contre le cancer, à Rennes ; une inconnue rencontrée sur le chemin de la Loire à vélo nous conseille de nous rendre aux Rencontres du documentaire, en Bretagne. Alors, finalement, fallait-il qu’on s’inquiète ?
Les choses semblent trop bien se passer. On sait bien qu’à un moment, rien ne se déroulera plus comme on l’espère, que le fil rouge qu’on avait choisi ne correspond plus au message que l’on veut faire passer, que la scène que nous imaginions est trop compliquée à mettre en œuvre, que la boîte de production en laquelle nous avions placés nos espoirs nous refuse finalement le financement.
Mais en attendant, au commencement, et au fur et à mesure des rencontres et du soutien que nous recevons, tout nous pousse à croire en notre projet.