Mellionnec, dimanche 2 juillet 2017
Dans notre tête, un festival, c’est un champ, évidemment ; de la musique, souvent ; et de la bière chaude, très probablement. Pour le champ, on était servis, à Mellionnec, en plein centre de la Bretagne. C’est dans ce bourg de 400 âmes que sont organisées, depuis 11 ans, les Rencontres du film documentaire, par l’association Ty films. Nous sommes venus chercher des réponses à nos questions sur l’écriture et la réalisation de notre film qui suivra un(e) malade du cancer pratiquant une activité.
“S’il y a 100 personnes ici, ce sera le bout du monde.” Vincent était sceptique. Il faut dire que, pour nous, le monde du documentaire était quelque chose de confidentiel. Tellement confidentiel que nous avons un peu eu l’impression d’être arrivés dans un pays étranger. Sous le chapiteau dressé pour l’occasion, nous buvions une Grobul, la bière locale, dans notre coin, après les projections, et personne ne semblait parler notre langue.
“Ah ! Vous êtes journalistes ? Vous savez, ici, vous verrez des documentaires de création, pas du magazine.”
Quelle différence ? “C’est une question de point de vue. C’est votre vision que vous voulez exposer.” D’accord… En réalité, même les chargés de communication ont parfois du mal à se faire comprendre. Nous avons surtout perçu que, dans ce monde, on oppose souvent les journalistes, qui réalisent des reportages grand public pour les “grosses” chaînes de télévision, aux cinéastes qui sont, eux, des artistes, et qui proposent des oeuvres plus expérimentales, plus intimes, plus nobles. Méritions-nous, alors, qu’on nous les fasse rencontrer ?
Pour ne rien arranger, il a fait un temps misérable pendant ces trois jours de festoche. Les nuits sous la tente, à déguster un triste taboulé, donnaient une image plus sombre encore à ce rendez-vous, qui nous avait été annoncé par hasard, au détour d’une discussion sur les chemins de la Loire à vélo, il y a quelques semaines.
Documentaires déguisés
Difficile de trouver des réponses à nos questions, tant les personnalités semblent éloignées de notre horizon. Comment choisir une bonne boîte de production ? Comment monter un dossier de présentation de notre projet ? Quel statut administratif choisir ? Nous décidons tout de même de rester plus longtemps que prévu, histoire de ne pas regretter nos quelque 8 heures de route, sans avancées notables.
D’autant qu’un atelier du CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée) est au programme ce samedi matin. Il met à l’honneur le réalisateur biélorusse Dimitri Makhomet et sa productrice Stéphanie Roussel (Arturo mio), actuellement en plein projet. On apprend que le CNC possède des fonds d’aide à l’écriture et d’aide à la réalisation, destinés à tous les formats… sauf les magazines. La productrice, qui nous résume vaguement la situation, dépeint :
“Vous savez, les reportages en immersion avec la police, avec une musique de fond et un commentaire omniprésent.”
Il y a quelques années, en effet, nombre d’auteurs et de producteurs sont montés au créneau face à la multiplication des programmes de société (type Tellement vrai sur NRJ12 ou 90 minutes enquêtes sur TMC), notamment commandés par les nouvelles chaînes de la TNT, qui, selon eux, sont des documentaires déguisés et ne méritent donc pas de recevoir les aides du CNC. Ce qui a poussé ce dernier à faire le distingo et à ne plus financer que les oeuvres dites “de création” (lire : “Le documentaire veut sortir du flou”, Le Monde, 13 novembre 2012).
C’est à peu près tout ce que nous avons réussi à récolter en Bretagne avant de plier la tente. Ah, si ! Nous ne serions pas honnêtes si nous ne dévoilions pas les secrets d’un synopsis réussi. Par souci d’exactitude, nous citerons la productrice : “Eh bien… En fait, il n’y a vraiment pas de règles. L’important, c’est la vision.” C’est un peu comme déjeuner chez une amie et que le repas est divin : vous savez qu’elle a passé l’après-midi à le préparer. La cuisine est une scène de combat. Vous lui demandez ses conseils et elle répond : “Tu sais, ma chérie, ce n’est pas si compliqué !” Dans la petite cuisine du documentaire, nous n’avons pas encore trouvé la bonne recette.