Paris, samedi 23 septembre 2017
Le journal Le Monde organisait samedi, dans le cadre de son Festival, la conférence “Le sport, nouvelle assurance santé ?” Sur une scène improvisée au 6e étage de l’opéra Bastille, le Dr Roland Krzentowksi, médecin du sport et fondateur de la structure de sport-santé Mon Stade, le Pr Alain Grimfeld, pédiatre et ancien président du Comité consultatif national d’éthique, et Marie-José Pérec, athlète multi-médaillée, en ont débattu devant un public plutôt acquis à la cause. Les questions de motivation et du financement ont notamment été soulevées.
L’anecdote de Marie-José Pérec a de quoi faire sourire la cinquantaine de personnes venues assister à la conférence du Monde :
“J’ai repris le sport après 10 ans d’arrêt. J’ai recommencé par un petit marathon… bouclé en 5 heures !”
Mais ce n’est pas en tant qu’athlète de haut niveau que la Gazelle intervient ce samedi : elle se fait ambassadrice du sport-santé. “Après ma carrière, j’ai eu envie de faire autre chose et j’ai simplement oublié de faire du sport. C’est lorsque j’ai commencé à avoir quelques petits problèmes de santé, des petites douleurs au dos, aux reins, que mon compagnon m’a dit : “Tu connais la solution”.”
“Il faut se donner des objectifs atteignables”, répond Roland Krzentowski, médecin du sport. Pas question, évidemment, de demander à tout un chacun de relever des défis sportifs. Faire de l’activité physique, c’est d’abord simplement repenser notre manière de nous déplacer, en préférant “s’arrêter une station de métro plus tôt sur le chemin du travail”, suggère l’athlète. “La majorité des gens habitent à moins de 10 km de leur travail. À vélo, cela représente moins d’une heure de trajet”, renchérit un spectateur. Soupirs dans l’assistance – visiblement, tous ne s’en sentent pas capables.
Est-ce réellement une question de capacité ? Ou plutôt de motivation ? Le Dr Roland Krzentowski rappelle que, selon la Haute autorité de santé, l’activité physique est une “thérapeutique validée”. Le Pr Alain Grimfeld insiste :
“Son efficacité a été montrée par un essai clinique, des études observationnelles et une analyse rétrospective. Nous avons un système thérapeutique qui a fait ses preuves, avec des dizaines d’études publiées depuis les années 2000. Maintenant, comment fait-on pour que chacun y ait accès ?”
La question se pose tout particulièrement, dans une dimension sociale, pour “deux populations, définie par l’Organisation mondiale de la santé depuis 1946” : les enfants et les seniors.
“Chez les enfants, il y a un aspect préventif primaire (pour éviter l’apparition de maladies) primordial, notamment pour l’obésité et ses complications cardiaques, neurologiques, gastriques…”, ajoute le pédiatre. “Le développement du sport à l’école est indispensable”, relève une femme dans le public, alors qu’Alain Grimfeld déplore le manque de coopération entre l’Éducation nationale et la santé. “C’est peut-être à nous aussi, parents, d’aller faire du vélo avec eux le week-end, même quand on est fatigué”, propose Marie-José Pérec, maman d’un garçon de 7 ans. D’autant que des études (lire le résumé de la méta-analyse ou l’article du Figaro sur l’étude de Grant Tomkinson) ont montré que les enfants courent aujourd’hui moins vite qu’au cours des années 1970, point de départ des données, appuie-t-elle. Roland Krzentowski ajoute :
“Une autre montre que lorsqu’on a pratiqué des activités variées étant enfant, on a moins de mal à s’y remettre adulte.”
“Le short à 80 ans, ça le fait moins”
Chez les seniors, la prescription d’activité physique, rendue possible pour les médecins traitants par le décret de sport sur ordonnance de décembre 2016, “devient majeure”, selon le pédiatre. “Un bilan de condition physique devrait s’imposer au même titre qu’un bilan de santé. Il pourrait donner envie aux gens de progresser, et donc de devenir acteur de leur propre santé”, suggère le fondateur de Mon Stade. Au-delà du vieillissement naturel des cellules, il pointe le phénomène culturel qui conduit à la régression de la condition physique : “Ça le fait moins de se mettre en short à 80 ans.”
Dans la salle, un kinésithérapeute rétorque que les patients sont déjà renvoyés, par leurs médecins traitants, vers des séances de rééducation qui sont, elles, prises en charge financièrement. Il questionne : pourquoi, alors, rembourser aussi l’activité sportive ? Roland Krzentowski insiste :
“Se remettre au sport, comme tout changement de comportement, c’est très dur. C’est une phase qui doit être accompagnée, alors que les abandons les plus fréquents suivent immédiatement la prise de décision.”
Il ajoute que la prise en charge financière est un gage de sérieux et de crédibilité face aux médicaments.
“Mais ne pourrait-on pas conditionner le remboursement de ces médicaments à un minimum de pratique sportive ?” La question d’un autre spectateur provoque quelques rires. Elle n’est pourtant pas si saugrenue, alors que certains médicaments pourraient effectivement être remplacés par une pratique adaptée. “Cela poserait toutefois un problème d’éthique de ne rembourser que les méritants”, souligne Alain Grimfeld, qui a présidé, de 2008 à 2012, le Comité consultatif national d’éthique.
Il est donc impératif que d’autres leviers soient trouvés pour favoriser la pratique sportive, alors qu’une étude toute récente montre qu’elle pourrait éviter 1 décès sur 12. “Qui, ici, fait du sport régulièrement ?” Face aux intervenants, la quasi-totalité du public lève la main. “Les autres n’ont peut-être pas voulu monter les 6 étages”, ironise quelqu’un. Les personnes à convaincre, plus sédentaires, ne sont pas ici. À l’opéra Bastille, les spécialistes ont un nouveau défi : porter leur voix.