Entraîneur du célèbre Cercle des nageurs de Marseille (Camille Lacourt, Fabien Gillot…), Romain Barnier est l’un des coachs vedettes du programme Rebond. Frileux au départ à l’idée d’accompagner des malades après leur cancer, il a finalement accepté l’offre de Pierre Dantin, pilier du programme, et transmet aujourd’hui son savoir du haut niveau aux élèves dans la formation d’onco-coachs.
Qu’est ce qui vous a motivé à sortir du cadre “sport performance”, pour aller vers un dispositif centré sur la santé ?
C’est Pierre Dantin, en 2015, qui m’a parlé de cette idée. Je me souviens à l’époque de mon premier sentiment : il était mitigé. C’est la peur de ne pas savoir ce que l’on va affronter. Le deuxième sentiment, c’est de se dire que l’on va pouvoir aider, au moins un tout petit peu. On pense tout de suite à des choses graves, et c’est aussi ce qui nous freine. Je me souviens avoir dit au départ : “Je vais réfléchir”. Et puis, après avoir lâché ça, je me suis dit que finalement, ça ne servait à rien de réfléchir pour ce genre de projet : il faut foncer.
Avez-vous une sensibilité particulière avec le cancer ? Est-ce un sujet qui vous intéresse ?
Je touche du bois, mais pour l’instant je n’ai pas de lien direct avec la maladie. Des proches la connaissent et je sais que c’est une loterie et que l’on est tous égaux face à ces choses-là. Mais ma candidature au programme Rebond était plutôt spontanée qu’autre chose, même si c’est Pierre Dantin qui m’a aidé à faire mon choix. J’ai beaucoup appris, surtout au contact des malades et du personnel médical qui s’occupe d’eux. Les malades sont plus forts que tout. Ce sont eux qui sont, ou qui deviennent des personnes exceptionnelles, je le crois vraiment. On vient en tant qu’experts de la performance, qui apprennent comment gagner des centièmes, ou comment gérer une très forte pression. On se dit que l’on a déjà un bagage solide. Puis assez rapidement, on se rend compte que les malades sont bien plus forts en face, c’est du solide. Mais on peut trouver des ponts entre la maladie et le sport de haut niveau : cette idée que l’on joue tout en quelques instants. Les prochaines années de la vie seront liées à ce qui va se passer là, maintenant. La différence, c’est que si le sportif n’arrive pas au bout de ses objectifs, il peut vivre avec.
Comment, concrètement, avez-vous collaboré au programme Rebond ?
Je collabore régulièrement. Cela se fait au travers de rencontres, de déjeuners, de moments à l’hôpital avec des patients. On témoigne face aux malades, pour leur parler de ce que l’on connaît. C’est vraiment ce qui manquait, ce suivi après leur maladie. C’est un peu comme la petite mort de l’athlète : pendant des années, il est chouchouté, entouré, on s’occupe de tout 24 heures sur 24, il y a des gens pour le conseiller, puis il arrête sa carrière, et il est perdu. Les malades du cancer ressentent aussi ce vide après, c’est pour ça que Rebond est nécessaire et très important.
Vous avez perçu vous-même une amélioration chez les patients que vous avez suivi au cours du programme ?
C’est assez difficile pour moi de répondre car j’étais souvent avec Pierre Dantin pour voir ces patients. Et Pierre a une figure très charismatique, et les rapports changent quand il est présent, donc je manque de recul pour parler vraiment de l’état des malades avec le programme. Mais c’est vraiment quelque chose que je souhaite voir se poursuivre dans le temps et dans lequel je veux m’impliquer.
Vous pourriez, un jour, délaisser ce monde du sport pour vous consacrer à l’onco-coaching ?
En tout cas, je souhaite répondre davantage présent dès qu’il s’agit de communiquer sur le projet, ce qui est important, mais surtout être présent avec les bénéficiaires. Car j’ai peut-être des choses à transmettre, mais en retour cela me remplit de connaissances qui peuvent aussi me servir dans mon métier d’entraîneur.
Justement, en tant que coach, comment agir quand un athlète a une grosse déception sportive ? Quels mécanismes lui permettent de se relever ?
On travaille avec un préparateur mental et on essaie d’analyser l’ensemble de la carrière du sportif. Car au moment de l’échec à un instant T, on se focalise dessus alors que prise dans la globalité d’une année ou de plusieurs saisons, la performance peut s’expliquer de telle ou telle manière. Fabien Gillot par exemple, qui fait aussi partie du programme, a raté pour 8 centièmes le titre olympique en 2008. C’est le crève-cœur de sa carrière, c’est une cicatrice qui s’ouvre. Il a su repartir de l’avant assez vite, mais cet échec, il ne l’a dépassé que 4 ans plus tard quand il est devenu champion olympique en relais. Il a quand même fallu attendre 4 ans.
Le coach a cette faculté de dire les choses sans retenue à ses athlètes. Parfois à leur “rentrer dedans”. Peut-on adopter la même méthode avec des malades ?
Bien sûr ! Le malade, il faut aussi le “bousculer”. D’ailleurs, le plus souvent, ils ont besoin d’être bousculés plutôt que caressés dans le sens du poil. C’est comme avec un sportif. Il faut savoir écouter et aussi faire abstraction de certaines choses, car parfois les patients ne sont pas objectifs avec eux-mêmes, il ne se sentent pas capables. C’est là qu’il faut intervenir. Car il ne faut surtout pas se laisser aller, et encore moins à l’inactivité. Globalement, les personnes n’étaient pas réticentes à l’idée de faire une activité physique. Si elles l’étaient, elle ne le restaient pas longtemps.
Vous allez aussi former les futurs élèves du diplôme d’onco-coaching ?
C’est présomptueux de dire que l’on va les former. On va leur transmettre nos savoirs du haut niveau. Il ne faut pas le voir comme une formation mais davantage comme un échange de savoirs, une transmission. Il n’y a pas de rapports hiérarchiques. Les personnes qui vont se lancer dans ce diplôme savent qu’il doivent avoir le cœur bien accroché et auront un rapport particulier avec le cancer.
Cet article est un éclairage de l’article “Du coaching sportif pour rebondir après un cancer”. Cliquez ici pour retourner au papier principal.