Caen, lundi 1er octobre 2018
C’est sous un arbre encore fleuri d’un petit parc de Caen, en cet après-midi de rentrée scolaire, que nous entendons cette phrase à l’autre bout du fil : « Je ne suis pas le meilleur producteur pour vous accompagner. »
Cette phrase, prononcée avec regrets, met fin en quelques secondes à nos vacances et à plusieurs semaines d’attente remplies d’espoir. Léa, surtout, y croyait – Vincent, lui, pensait à juste titre qu’on ne pouvait pas réussir du premier coup. La déception est évidemment bien présente : ce producteur nous plaisait, il était installé à Caen, avait produit ce fabuleux documentaire de Bruno Romy, et ne nous avait pas fermé la porte dès notre rencontre, en mars. Au contraire, il nous avait conseillé sur les améliorations que l’on pouvait apporter à notre premier synopsis. Pourquoi donc refuser de nous accompagner ?
Les raisons ne sont pas faciles à entendre pour qui ne connaît pas le milieu de l’audiovisuel. D’une part, notre projet est un peu ‘classique’ par rapport à ce qu’il a l’habitude de faire – « Je pourrais vous demander de retravailler votre synopsis, mais ça ne correspondrait plus à ce que vous voulez » ; d’autre part, il estime ne pas avoir accès aux trop peu nombreuses ‘cases’ télé qui pourrait diffuser notre documentaire, de par le message que l’on veut faire passer.
Il ne serait, par exemple, pas assez ‘humain’ et trop axé ‘santé’ pour France 3, qui se contenterait bien d’une belle histoire de marathon, quand nous voulons montrer que tout le monde peut pratiquer une activité physique, à commencer par la marche.
Compris ? Non ? Pour nous non plus, ce n’est pas clair ; mais on ne doute pas pour autant de la bonne foi de cet homme au regard doux.
Ascenseur émotionnel
Et nous revoilà au même point qu’il y a quelques mois, à nous demander à qui on va bien pouvoir proposer notre dossier. Avec sur les épaules cette lourde impression d’avoir bien du mal à avancer. Nos reportages écrits, auxquels nous consacrons beaucoup de temps, et la rechute de Vincent nous ont ralentis cette année, et nous ont fait perdre de vue notre objectif premier. Celui pour lequel nous avons lancé ce projet : un documentaire télé. Et dire que nous avions déjà attendu juillet, avec pour deadline notre départ pour quelques semaines de congés, pour le retravailler selon les conseils de ce producteur qui vient de renoncer…
Cette fois-ci, il nous faut rebondir vite, même si l’on se rend bien compte qu’il nous sera difficile de commencer à tourner en janvier, comme souhaité. Dès le lendemain de cette mauvaise nouvelle, nous rencontrons par hasard un homme du milieu de l’audiovisuel, à la sensibilité particulière : un lymphome de Hodgkin a touché quelqu’un de son entourage. Nous voilà unis par ce drame qu’est le cancer.
Il nous promet de nous aider d’une manière ou d’une autre, en ouvrant son réseau, en peaufinant notre synopsis. Ascenseur émotionnel, l’espoir renaît.
Il nous assure qu’il faut viser France 5 et le Magazine de la santé. Il nous met en relation avec un autre producteur, installé à Paris. Celui-ci nous met en garde : la difficulté, c’est de trouver des financements ; et ne pas se ‘griller’ auprès des chaînes TV en présentant un dossier incomplet. Peut-être, propose-t-il, que l’on pourrait explorer d’autres possibilités : imaginer une série de portraits ou un webdoc. Nous ne sommes pas fermés à ces idées – tout ce que nous voulons, c’est faire passer notre message. Mais pour cela, il nous faudra tout de même être attentifs à ce qu’il ne soit pas dénaturé. Loin d’être des divas de la réalisation, nous avons nos exigences sur le contenu de notre projet. Pour les malades, le sport-santé est un enjeu trop grand pour qu’il soit traité en survol.