Ce mardi 26 septembre 2017, la commission des affaires culturelles et sociales s’est réunie à l’assemblée nationale pour parler du sport-santé et notamment du sport sur ordonnance. Une commission rare puisqu’elle a rassemblé la ministre des Sports, Laura Flessel, et la ministre de la Santé, Agnès Buzyn. Le tout en présence d’Alexandre Feltz, pionnier du sport sur ordonnance à la mairie de Strasbourg, et de Thierry Bouillet, oncologue à Bobigny. Les débats se sont surtout cristallisés autour du financement de la loi de janvier 2016, qui laissait l’activité physique à la charge du patient.
Des résultats
En présence de plusieurs spécialistes issus du domaine scientifique (Alexandre Feltz, Agnès Buzyn et Thierry Bouillet), la commission fut le théâtre d’un grand déballage de chiffres. Mais pour une fois, tous allaient plus ou moins dans le même sens : l’activité physique est reconnue comme ayant un impact sur la prévention des maladies (prévention primaire et secondaire) et permet d’éviter de nouvelles complications pour les personnes déjà malades (prévention tertiaire).
Pour Thierry Bouillet, il est trop tard pour attendre alors que l’on a toutes les cartes en main. Il a commencé son intervention en interpellant l’assistance : “Messieurs les élus, ceci est un appel au secours. Un appel de tous ces patients cancéreux. Toutes les cohortes internationales montrent que l’activité physique réduit le risque de récidive de 50 % pour les cancers du sein, de la prostate et du côlon. Si vous ne faites rien, vous acceptez donc qu’un malade sur deux ait une rechute de son cancer.” Avec de tels chiffres, il parle, tout comme le Dr Feltz, de l’activité physique comme d’un médicament, qui se doit donc d’avoir une prescription bien encadrée.
Le retour au travail est également pour lui un point essentiel, notamment en termes économiques pour la société. Celui qui a fondé la fédération Sport et Cancer Cami l’affirme : “Le sport sur ordonnance, j’y crois. Chez nous, à la Cami, nous prenons en charge 5 000 patients par an. Et une majorité disent que le sport a changé leur vie.”
Le financement
Financer le sport sur ordonnance, voilà quelque chose que la loi de janvier 2016 avait complètement laissé de côté. La nouvelle ministre de la Santé ne semble pas être opposée à un effort de l’État dans le domaine. Mais avec certaines limites. Pour elles, les résultats évoqués par les spécialistes ne suffisent pas toujours : “Pourquoi l’activité physique adaptée n’est-elle pas remboursée ? Car les bienfaits ne sont pas prouvés pour tous les cancers. Et il faut une preuve scientifique. Il faut savoir si l’on ne fait pas plus de mal que de bien. Mais on peut penser que cela fait plutôt du bien.” À la question de rembourser la totalité des prescriptions, la réponse est claire :
Il n’est pas question, pour l’instant, de rembourser le sport en prévention primaire, car on ne parle pas là de sport-santé. Ce serait une dérive majeure que de tout rembourser. On risque de déresponsabiliser la population.
“Soigner” les malades avec de l’activité physique, la ministre le veut bien. Mais “pas seulement avec l’aide de la Sécurité sociale”, annonce-t-elle.
Pourtant, le sport comme prévention primaire est un concept qui plaît bien au Dr Feltz, qui ne manque pas de rappeler que “l’argent investi dans la prévention aujourd’hui, ne le sera pas dans le secondaire demain”. Avant de se justifier de tout utopisme : “Je ne veux pas non plus de dépenses honteuses, madame la ministre.”
Un tel financement, selon l’élu alsacien, ne serait d’ailleurs pas si onéreux : “On parle en moyenne de 200 euros par an pour la pratique sportive. Je propose donc, comme pour les patchs anti-tabac, un forfait, de 150 euros par an, pour permettre aux patients de pratiquer une activité.”
Un système de forfait que la ministre de la Santé compte bien reprendre dans son prochain plan de santé, qui devrait être rendu en mars 2018, “mais un forfait axé davantage sur le parcours de soin plutôt qu’un forfait à l’acte”. Comprenez un système qui englobe l’activité physique, certes, mais aussi la nutrition, et l’accompagnement des maladies des patients.
Des gains économiques
D’argent, il en a été encore question au cours de cette commission, mais aussi en termes d’économies. On parle alors de gains colossaux que ces mêmes mesures pourraient apporter à la société, notamment à la Sécurité sociale. Le chiffre a d’ailleurs été lancé en introduction par la présidente de la commission des affaires sociales, Brigitte Bourguignon : 6 milliards d’euros. “Ce sont les dépenses de la Sécurité sociale dues à la sédentarité.”
Le chiffre est important. Pourtant il ne fait pas sursauter Alexandre Feltz. Le maire-adjoint de Strasbourg, en charge de la santé, les connait pas cœur. “Prenez l’exemple du diabète, surenchérit-il, avec de l’activité physique, on réduit de moitié le coût d’un diabétique. Le généraliste doit donc apprendre à réduire la prescription de médicaments en fonction de l’activité.”
Pas avare de chiffres, Thierry Bouillet estime que
si on fait 30% de rechute en moins, on est sur un gain considérable pour la société. Le cancer du sein coûte entre 8 à 10 000 euros par mois en cas de rechute. Je laisse la ministre faire le calcul.
Formations & maisons sport-santé
Le fondateur de la Cami s’inquiète de la dérive que la loi pourrait apporter au niveau des éducateurs qui pourraient encadrer les malades : “Il ne faut pas que quelqu’un qui arrive d’un club de sport quelconque, puisse prendre en charge quelqu’un qui a un cancer, alors qu’il n’y connaît rien.” Un point bien retenu par Agnès Buzyn, qui juge que l’offre de formation en France en activité physique adaptée (Apa) est “extrêmement faible pour les jeunes”. La nouvelle ministre souhaite un “changement total de paradigme. Faire entrer le sport dans la culture française, comme bénéfice pour la santé, dès le plus jeune âge.”
Pour Laura Flessel, il convient de “recenser toutes les initiatives existantes, pour s’en inspirer”. Elle en a d’ailleurs profité pour développer le concept de maison Sport-santé, évoqué par le candidat Macron. 500 devraient voir le jour d’ici la fin du quinquennat. “Ces maisons rassembleront des professionnels du sport et des personnes éloignées de l’activité physique. Nous voulons avoir recours aux technologies virtuelles pour faire faire du sport au plus grand nombre, et notamment du sport adapté.” Une idée saluée par l’ensemble de la commission.
Retrouvez l'intégralité de la commission sur le site de l'Assemblée Nationale.