Bobigny, vendredi 8 juin 2018
Organisé pour la première fois par la Société française des professionnels en activité physique adaptée (SFP-APA), le workshop « activité physique & cancer » a réuni les acteurs majeurs du sport-santé en France. Avec pour slogan « Tous ensemble pour le bénéfice des patients », le ton était donné : travailler de concert pour améliorer la prise en charge des patients par le sport. De passage, Laura Flessel, ministre des Sports, a assuré son soutien aux professionnels du milieu.
C’est un constat partagé par tous les acteurs du sport-santé et confirmé par le rapport de l’Igas et de l’IGJS : l’amendement Sport sur ordonnance ne décolle pas en France. La faute à un cruel manque de communication et de relais entre les professionnels du sport et les médecins généralistes, qui peuvent prescrire l’activité physique. La faute également à un manque de financement de la loi. Un coup de mou qui a poussé l’association SFP-APA, représentant les titulaires d’une licence Staps spécialisation Apa et santé, à rassembler plus de 150 chercheurs, éducateurs sportifs, enseignants Apa, représentants d’associations, patients et proches de patients, à l’université Paris 13 à Bobigny, vendredi 8 juin 2018.
Le comité d’organisation, composé de membres de la SFP-APA et de représentants de la Cami, avait prévu de mettre les acteurs à contribution. Au programme, des ateliers au timing très serré, où il fallait déterminer comment chacun pouvait, avec ses compétences, venir en aide à un profil type de patient, à différents niveau de sa maladie. Des tables rondes permettaient aux professionnels de mieux comprendre les différentes compétences des uns et des autres, afin de présenter la prise en charge idéale du patient, où chacun travaillerait en parfaite collaboration.
« Oublions la sémantique et agissons »
Venus de partout en France, ces acteurs ont pu profiter de l’occasion pour présenter les initiatives de leur région. Des programmes riches avec des retours d’expérience souvent positifs, malgré la conscience des limites de la loi.
De quoi faire avouer à une oncologue présente dans le public : « Je me suis rendu compte aujourd’hui que de très nombreuses choses existent dans le domaine, mais que je ne connaissais rien. »
Référencer les offres sérieuses de sport-santé à destination des patients, voilà sans doute la première chose à faire, selon les médecins présents. Un besoin d’information qu’a semblé entendre Laura Flessel. La ministre des Sports, venue clôturer la journée, a indiqué une nouvelle fois son envie de créer 500 maisons sport-santé d’ici la fin du quinquennat, mais également parlé d’un « besoin de labellisation » des structures.
Une belle déclaration d’amour pour l’AP en prévention secondaire et tertiaire… rapidement contrebalancé par l’annonce de ses ambitions de « 3 millions de licenciés supplémentaires » dans les clubs sportifs. À la sortie du workshop, certains ne cachaient pas leur inquiétude et espéraient que la ministre « ne confonde pas le sport ‘performance’ avec le sport comme thérapie pour des malades du cancer ». Faut-il justement parler de sport, d’activité physique, de mouvement ? « Oublions la sémantique, et agissons », a lancé l’ancienne championne d’escrime.
Des initiatives souvent méconnues
Des actions, les professionnels en ont proposées, et en nombre, le temps d’une courte journée de réflexion. « Laisser des brochures d’informations sur l’AP dans les salles des spécialistes et généralistes », recommandait un généraliste. Des groupes de travail s’entendent sur la nécessité « d’organiser des réseaux autour de l’hôpital comprenant des nutritionnistes, des coachs Apa, des kinés ou ergothérapeutes, des éducateurs, ou orienter vers les libéraux ».
L’occasion pour un des participants de présenter une association de sa région, la structure James and co à Thonon-les-Bains, qui rassemble plusieurs professionnels de santé et accueille des patients après leur prise en charge par le dispositif local de sport sur ordonnance. « Ce qui permet de continuer la pratique, avec une simple adhésion annuelle, et avec les mêmes bénéfices », argumente le coach Apa. L’occasion surtout de poursuivre une activité encadrée pour des patients pas toujours prêts à reprendre dans un club sportif après des traitements.
Ce workshop entre pointures du domaine, a été l’occasion de remettre certaines pendules à l’heure. Notamment concernant les déformations de résultats d’études scientifiques parues dans la presse. Grégory Ninot (voir la vidéo ci-dessous), chercheur et professeur à l’université de Montpellier, tient à préciser :
« Les chiffres qui montrent un impact de l’AP sur la récidive ou la mortalité ne sont pas corrects. Ce qui a été étudié, ce sont des cohortes qui indiquent simplement que les personnes qui pratiquent ont moins de rechute. Mais est-ce l’AP, est-ce l’alimentation, ou est-ce l’environnement qui est véritablement responsable ? La science ne sait pas encore le dire. Donc on ne peut pas faire de lien direct à l’heure actuelle. »
Il participe néanmoins à une étude internationale qui doit justement prouver rigoureusement l’impact d’une pratique d’AP sur la récidive et la survie.
[ POUR ALLER PLUS LOIN ]Le site de la plateforme Ceps (plateforme universitaire Collaborative d'évaluation des programmes de prévention et de soins de support), dirigée par Grégory Ninot ; et Les premiers résultats, en vidéo, de l'étude Apad (Adapted physical activity & diet, financée par la Ligue contre le cancer), menée par Grégory Ninot, sur la diminution de la fatigue et l'amélioration de la qualité de vie pendant les traitements, chez les femmes atteintes de cancer du sein, grâce à un programme alliant activité physique & conseil nutritionnel (janvier 2016)
Les spécialistes comme Thomas Ginsbourger, de la Cami sport et cancer, insistent également pour préciser « qu’il n’y a pas de pratique qui soit plus adaptée que d’autres. Il faut respecter les goûts des patients et tenter de pratiquer à une intensité modérée, des activités d’endurance et de renforcement musculaire ».
Pour aider les patientes atteintes de cancer du sein, le centre Léon-Bérard de Lyon a notamment développé une application qui leur propose tous les jours des temps d’AP adaptés à leur mobilité, constatée en temps réel grâce à la géolocalisation : Disco Biomouv.
Reconnu comme un rassemblement indispensable pour faire avancer le débat sur le sport-santé, ce workshop a vocation à donner lieu à de nouvelles éditions. Un chercheur le soulignait au détour d’un atelier : « Nous vivons dans nos laboratoires et ne connaissons pas tout de ce qui se fait sur le terrain. C’est important de se rencontrer ici. » L’implication de Laura Flessel dans cette journée est un symbole fort pour les acteurs qui espèrent que leurs retours de terrain et leurs idées d’améliorations soient prises en compte. L’espoir est permis.