Paris, vendredi 6 octobre 2017
Invitée à s’exprimer sur le sport sur ordonnance lors d’une conférence au salon Soi+ Sport Santé, Martine Duclos est revenue, pour Malades de Sport, sur la question cruciale du financement. Chef du service Médecine du sport au CHU de Clermont-Ferrand, elle en profite pour décrire sa vision du sport santé en France, qu’elle résume comme “une multitude d’initiatives faites avec des bouts de chandelle”.
Vous êtes présidente du comité scientifique de l’Onaps (Observatoire nationale de l’activité physique et de la sédentarité), quelles sont selon vous les barrières qu’il reste à lever pour développer le sport santé ?
Nous avons mené des études et il se détache deux points : les patients se mettent à pratiquer une activité physique principalement si leur médecin leur en parle. Deuxième point, les médecins n’en parlent aux patientes que s’il fait lui-même du sport. Dans la plupart des cas, c’est comme ça que ça passe. Pourtant, son rôle est de donner l’information. Pas davantage. La prise en charge, ce n’est pas son rôle. Il est discuté en ce moment de donner des grilles d’évaluation aux généralistes pour qu’ils disent quelle activité physique est praticable pour telle pathologie. Je ne suis pas certaine que ce soit une solution idéale.
Qu’en est-il de la formation des généralistes sur ce domaine ?
Il faut accentuer la formation des médecins sur ces sujets. Mais c’est compliqué. On arrive à inclure le sujet de l’activité physique dans le programme des études de médecine. Mais les étudiants d’aujourd’hui ne veulent plus faire autant d’heures pour se former. On ne peut pas rajouter des créneaux. Donc on intègre le sujet de façon transversale. Les jeunes sont donc plus sensibilisés. Pour les généralistes déjà établis, le travail de prévention à l’activité prend trop de temps. Ils ne peuvent pas le faire. Faire un test de capacités physiques, cela prend une heure pour vraiment développer un programme personnalisé. Ce n’est pas faisable pour eux.
Les communes qui pratiquent le sport sur ordonnance laissent de côté la prise en charge de certaines pathologies comme le cancer en cours de traitement. Pourquoi ?
Bientôt, le cancer va se soigner de façon orale, par des médicaments que les gens vont prendre chez eux. Dans 50 % des cas, ce sera comme ça. Mais à l’hôpital, on trouve des gens qui viennent faire faire du sport aux patients. Ce sont des gens financés par des associations, pour des courtes périodes, certes. Les communes font avec l’argent qu’ils ont.
Strasbourg a lancé un truc énorme, mais dans d’autres collectivités, ce n’est pas si simple. On se rend compte que beaucoup de groupes font des choses. Le sport-santé, c’est une économie de bouts de chandelle. Nous, au CHU de Clermont-Ferrand, quand on a quelqu’un qui vient faire une mission de 3 ans, on parle presque déjà de CDI. On se débrouille avec ce qu’on a. La question est d’obtenir des financement pérennes. Mais comment ? Cependant, les choses avancent, on le sent bien.
Pourquoi la Sécurité sociale ne s’engage-t-elle pas dans un domaine qui lui permettrait de faire des économies, en finançant par exemple le sport sur ordonnance ?
Pour la Sécurité sociale, les données médico-économiques ne sont pas encore assez claires. C’est vrai qu’en France, il existe très peu de choses. Ils trouvent toujours des biais dans les études qui sont faites, donc ils refusent de s’engager. La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, ne veut pas que la Sécu rembourse le sport sur ordonnance et on ne parle même pas de la prévention…
En vérité, la Sécurité sociale n’a pas assez d’argent pour s’engager là dedans, et donc pas l’envie. À nous de prouver que des économies sont possibles. Car prendre en charge une pathologie avec de l’activité physique, cela ne coûte pas si cher : entre 100 et 300 euros en moyenne par an. À côté de ça, on nous parle de faire des maisons de sport-santé. Personnellement je suis contre. Cela va coûter des milliers d’euros, alors qu’il faudra commencer par recenser tout ce qui existe en France.