Strasbourg, jeudi 12 octobre 2017
Les deuxièmes Assises du Sport santé sur ordonnance (SSSO) avaient lieu les 12 et 13 octobre à Strasbourg, où fut lancé le dispositif en 2012, par Alexandre Feltz, maire adjoint à la santé. Des assises cruciales pour le SSSO puisque les ministères des Sports et de la Santé cherchent à aller plus loin que la loi de janvier 2016, en prenant en charge une partie des prescriptions médicales. La ministre des Sports Laura Flessel était donc présente, pour visiter les Bains municipaux, bientôt rénovés en l’une des 500 maisons sport-santé bien-être que le président Macron veut mettre en place d’ici 5 ans. Des ateliers ont permis de montrer que le SSSO se décline partout dans le monde, notamment en Outre-mer, territoire durement touché par l’obésité et les maladies chroniques.
Un enjeu pour le quinquennat : organiser la filière sport-santé
En 2015, les Assises du sport sur ordonnance ouvraient la voie à la rédaction d’une loi de sport-santé et à la création de multiples initiatives en France. Deux ans plus tard, la plupart des acteurs du secteur regrette son manque d’organisation. Cela nuit, en particulier, à l’information des patients qui souhaiteraient en bénéficier. Au gouvernement, on veut répondre à cette problématique par la création de 500 maisons de sport-santé, comme la ministre des Sports, Laura Flessel, l’a répété à l’occasion de la deuxième édition de l’événement strasbourgeois.
L’une d’elle devrait trouver sa place au sein des Bains municipaux de la capitale alsacienne. “Ce lieu, bâti au début du XXe siècle, était à l’origine un lieu de baignade et d’hygiène. Il remplit donc depuis cent ans des fonctions de sport, de santé et de bien-être”, rappelle Ludovic Huck, de la Direction des sports de la municipalité. La future maison regroupera les services de la Ville, des services d’accompagnement (assistants sociaux, conseillers en nutrition, intervenants paramédicaux) et des partenaires, comme les associations qui proposent des créneaux de sport-santé.
Dans l’Ain, une plateforme créée par la Direction départementale de la cohésion sociale (DDCS) et l’Agence régionale de santé (ARS) a vu le jour, avec la volonté de servir de “guichet unique” aux potentiels bénéficiaires du sport-santé, précise sa coordinatrice, Madeleine Roediger. “La plu-value d’une plateforme est qu’elle devient une structure de référence, appuie Marc Eyraud, coordinateur du Pôle santé de Champsaur-Valgaudemar. Elle peut centraliser les données et, ainsi, mieux s’adapter au cas par cas.” Un avantage non négligeable quand on sait combien les acteurs se “méconnaissent” et ont du mal à communiquer entre eux, comme le relève une bénéficiaire présente dans le public.
Le message est clair : il faut structurer. Ludovic Huck insiste :
“Chacun a la volonté de proposer des actions dans son coin, mais n’en a pas forcément les ressources. Structurer, c’est aussi mutualiser les moyens afin de développer ces actions.”
D’autant qu’un autre enjeu se dessine : celui de favoriser la lisibilité de la filière. “Si chacun crée son propre référencement, on va brouiller les pistes pour les usagers. Pourquoi ne pas créer un label au niveau du ministère ?” suggère Marc Eyraud à la “Guêpe”. “Ne pourrait-on pas imaginer une cartographie de ces maisons de santé, pour mieux orienter les patients ?” propose-t-on dans le public.
La maison d’édition Vidal s’est déjà saisie du sujet. Après sa célèbre encyclopédie des médicaments, elle se penche aujourd’hui sur une base de données des activités physiques. Le médecin traitant pourra, par exemple, orienter son patient vers l’aviron ou déconseiller la boxe, en fonction de sa pathologie. Une première ébauche doit être présentée en 2018. À terme, l’outil en ligne pourrait indiquer quelles structures sont disposées à recevoir un bénéficiaire autour du cabinet médical.
En Polynésie, “on nage seulement pour attraper du poisson”
Au cours d’un atelier dédié au “choix politique” du sport sur ordonnance, Bruno Cojan, médecin et conseiller sport-santé à la DJS (Direction de la jeunesse et des sports) de la Polynésie française, est venu présenter un projet pour les cinq archipels. Le constat est jugé “dramatique” dans cette collectivité d’outre mer qui compte 270 000 habitants. Bruno Cojan constate :
“Chez nous à Tahiti, 70 % de la population est en surcharge pondérale. En métropole, on est seulement à 40 %.”
Le diabète serait également bien plus important qu’ailleurs, la faute à des habitudes culturelles bien ancrées : “Un Tahitien ne va jamais dans le lagon pour nager. Quand il nage, c’est seulement pour attraper du poisson” ironise le médecin. Pour inverser la tendance, il a lancé une expérience pilote s’inspirant du sport sur ordonnance proposé à Strasbourg. “Nous proposons aux personnes atteintes de diabète, de cancers, de BPCO et souffrant d’obésité notamment, de pratiquer une activité physique adaptée.” Pour cela, il compte sur le Va’a, la célèbre pirogue polynésienne, et la danse tahitienne, pour inciter à l’activité physique.
Problème, la formation des médecins à ces nouvelles pratiques ne peut être assurée sur la totalité des archipels. Bruno Cojan compte donc “se servir des formations en ligne, ou des vidéos conférences, pour accélérer le processus”. Après avoir observé les résultats de sa phase de test, le médecin devra ensuite proposer cette nouvelle prise en charge au gouvernement local (la Polynésie française bénéficie d’un statut particulier vis-à-vis de Paris). “Ce ne sera pas facile, car il arrive que des gouvernements ne restent en place que deux mois chez nous, mais c’est un véritable enjeu de santé”.