Ça nous a d’abord fait l’effet d’une tartiflette sans fromage ou d’un été sans soleil. Lors de notre veille médiatique habituelle, nous sommes tombés, il y a quelques jours, sur les travaux de chercheurs californiens du Salk institute for biological studies. Ceux-ci, en cherchant à comprendre “le système naturellement activé pendant l’exercice”, ont mis au point une pilule, nommée “516”, capable de reproduire les effets du sport… sans effort. Capable de tromper ce système, donc, en activant les signaux envoyés aux muscles grâce à un composant chimique. Celui-ci permettrait ainsi, sans bouger du canapé, d’augmenter non seulement l’endurance, mais aussi la capacité du corps à brûler de la graisse plutôt que des carbohydrates.
Nous, la pilule, on a eu du mal à l’avaler. Voilà plusieurs mois que l’on s’évertue à informer, en s’appuyant sur la parole de spécialistes, sur les bienfaits de l’activité physique dans le traitement de certaines maladies. Parmi ces bienfaits, il y a d’une part la possibilité, dans certains cas comme le diabète de type II, de limiter sa consommation voire de se passer de médicaments. On pourrait le résumer mathématiquement ainsi : ↗ sport = ↙ pilule. C’est donc particulièrement paradoxal pour nous d’imaginer que ↗ pilule = ↙ sport.
Non approuvée
D’autre part, on sait également que l’activité physique doit prévenir l’apparition de maladies – ce qu’on appelle la prévention primaire. Or, le magazine américain The New Yorker relève que les tests à haute dose effectués sur des souris ont montré une augmentation du risque de cancers… ↗ pilule = ↗ cancer. Là, on frôle l’ironie.
Alors, bien sûr, l’institut californien n’a pas lancé cette recherche dans le but d’aider à maigrir les allergiques à l’effort physique ni les sédentaires aguerris à ne plus avoir mauvaise conscience quand ils prennent la voiture pour aller acheter leur pain. L’idée est même louable, puisque cette pilule serait dédiée aux personnes dont l’état de santé (handicap moteur, problèmes pulmonaires…) les empêchent de faire du sport. Elle pourrait également agir dans le cadre de la pré-habilitation, avant une opération par exemple. Toutefois, cet argument n’a pas suffi à la Food and drug administration (FDA), qui a refusé d’approuver la pilule 516, au motif que “l’inaptitude à faire de l’exercice” n’est pas une maladie qui requiert un médicament.
Voilà qui nous rassure. Nous ne sommes pas réfractaires au progrès, mais on en a suffisamment vu les dérives. Une telle pilule sur le marché pourrait voir son usage premier détourné. Pour gagner le temps qu’on “perd” en déjeunant à table, il existe des boissons qui promettent de rassembler en une seule bouteille tous les nutriments dont le corps a besoin. Le plaisir en moins. Et nous, le fromage sur la tartiflette, on aime bien. Presque autant qu’un footing sous un soleil de juin.