Caen, vendredi 15 septembre 2017
Depuis 10 ans, l’association France Lymphome Espoir organise partout dans le pays des conférences à l’occasion de la Journée mondiale des lymphomes. Ce 15 septembre 2017, dans 21 villes, il était donc question des différents types de lymphomes, des nouveaux traitements, ainsi que des soins de support pour accompagner les malades. Un dernier volet d’information concernait les autorités de santé. Une journée toujours plus suivie par les patients, puisque, chaque année, plus de 11 000 nouveaux cas de lymphome sont détectés dans le pays. À Caen, dans l’amphithéâtre du CHU, ce sont un peu moins de cent personnes qui sont venues poser des questions au professeur Damaj, chef du service hématologie, ainsi qu’à trois médecins du service : les Dr Gac, Fruchart et Chèze. Compte-rendu.
1/ Les différents types de lymphomes
Les lymphomes peuvent prendre plusieurs formes. Une biopsie est très souvent nécessaire pour connaître le sous-type de lymphome, qui va déterminer le traitement à suivre. On trouve principalement deux grandes familles de lymphomes : les hodgkiniens (aussi appelés “maladie de Hodgkin”) et les non-hodgkiniens. Les premiers se soignent relativement bien et se guérissent aujourd’hui dans de nombreux cas. Les seconds se divisent en plusieurs sous-catégories, des agressifs aux indolents. Retrouvez les lymphomes les plus fréquents sur le site de France Lymphome Espoir.
Quels sont les taux de récidive pour les lymphomes ?
Dr Gac : Il est difficile de répondre car les taux varient fortement en fonction des lymphomes. Aucun ne se ressemble, et j’ai tendance à dire qu’il ne faut pas trop regarder dans l’assiette du voisin. N’écoutez pas trop ce que disent les gens à propos du lymphome. Les comparaisons sont souvent délicates.
Pourquoi n’existe-t-il pas de dépistage pour trouver l’existence du lymphome avant qu’il ne devienne dangereux?
Dr Gac : Les méthodes traditionnelles ne suffisent pas avec le lymphome. Il est impossible de le détecter avec une prise de sang. Pour prendre l’exemple du lymphome folliculaire, il est caractérisé par la mutation d’un lymphocyte, qui devient cancéreux. Problème, cette mutation est marquée chez plus de 70 % des Français. Il n’est donc pas un marqueur suffisant. Les biopsies sont donc les seules méthodes efficaces pour l’instant. Mais dans cinq ou dix ans, des biopsies liquides (dans le sang) pourront peut-être changer les choses.
Dr Fruchart : Il n’existe pas de dépistage du lymphome. Il peut venir de partout, des pieds jusqu’à la tête, et vous aurez beau faire toutes les prises de sang que vous voulez, et toutes les biopsies, vous ne trouverez pas forcément quelque chose.
On ne nous donne jamais les causes du lymphome. Qu’elles sont-elles ?
Dr Gac : Là encore, il n’y a pas de réponses toutes faites. Des publications montrent que dans le milieu agricole, des expositions répétées aux pesticides peuvent conduire à un cancer. D’ailleurs, une exposition de plus de dix ans est reconnue désormais comme maladie professionnelle.
Pr Damaj : Il ne suffit pas d’être agriculteur pour avoir un lymphome. À l’heure actuelle, on sait que c’est une multiplication de facteurs qui peut créer un dysfonctionnement cellulaire. Il n’y a jamais une seule piste pour expliquer les causes.
On vient de me détecter un lymphome indolent mais je n’ai pas de traitement. Comment l’expliquer ?
Dr Gac : Je peux comprendre la frustration. Mais on peut avoir des lymphomes indolents en hématologie, et cela ne gène en rien la qualité de vie. La chimio ne ferait que vous rendre plus malade et serait dévastatrice : mieux vaut ne rien faire. On peut être porteur d’un lymphome de bas grade et ne jamais en entendre parler.
Ma grand-mère se portait très bien jusqu’à ce qu’elle ait des difficultés à respirer. C’était en fait un lymphome. En quelques semaines, son état s’est fortement dégradé. Comment est-ce possible ?
Dr Fruchart : C’est bien souvent le cas avec les lymphomes. Soit ce sont des effets de seuil, et les complications s’enchaînent vite, soit le lymphome a pu proliférer, grossir doucement, sans poser trop de problèmes. Puis un jour, ça va bloquer quelque part. Et là, les situations se dégradent en quelques jours. Tous les cas sont différents et il faut rester à l’écoute de son état : fatigue, démangeaisons, ganglions, sueurs nocturnes… Tout cela sont des signes éventuels.
2/ Les nouveaux traitements
De nouvelles molécules sont mises en place dans les traitements pour bloquer un système et arrêter la prolifération de la tumeur. Ce sont des inhibiteurs. La nouveauté est dans la spécificité. Ils permettent bien souvent de réduire les effets secondaires des traitements. L’immunothérapie est également une forme assez nouvelle. L’idée est de changer le rôle d’une cellule pour lui demander d’aller combattre la cellule tumorale.
Je suis diabétique, et j’ai eu plusieurs problèmes avec les traitements, où ma glycémie a grimpé. À quoi est-ce dû ?
Pr Damaj : On le répète, mais l’information ne passe pas toujours, les diabétiques doivent faire très attention avec les corticoïdes. Ce sont eux qui font grimper la glycémie.
J’ai un lymphome folliculaire et j’ai eu plusieurs récidives. Je suis actuellement en immunothérapie. Est-ce que ce traitement a des chances de faire diminuer le risque de rechute ?
Dr Gac : C’est sûr, avec l’immunothérapie, on gagne du temps. Ce traitement utilise des molécules particulières. Les effets indésirables sont souvent moindres. La recherche a fait d’énormes progrès à ce sujet. En revanche, il faut se dire qu’il est difficile de parler de guérison dans le cas du lymphome folliculaire. D’ailleurs, on se dit de plus en plus que le cancer est une maladie chronique. On meurt moins du lymphome aujourd’hui avec l’immunothérapie. Et la moitié des malades ne rechutent pas avant sept ans. On peut espérer parler, un jour, de guérison.
Certains traitements pourraient causer des troubles cognitifs ?
Dr Fruchart : On ne s’y est vraiment penché pour l’instant, mais on commence à regarder les effets. Ce qu’il faut bien avoir à l’esprit, c’est que l’on traite des sujets de plus en plus âgés. Il n’est pas rare d’avoir des patients de 80 ou 85 ans. Il faut donc bien comprendre l’origine exacte de ces troubles cognitifs.
Dr Chèze : Nous sommes vraiment à l’état de recherche actuellement. Il faudra attendre quelques années pour avoir des résultats.
3/ Les soins de support
De plus en plus de soins d’accompagnement sont mis en place en complément des traitements classiques des patients. On trouve par exemple de la sophrologie, de la réflexologie, de l’aide à la nutrition, des soins esthétiques, ou encore de l’activité physique adaptée. Ces soins sont le plus souvent encouragés par les médecins, et font souvent l’objet d’un encadrement spécialisé, au sein même des établissements.
L’activité physique adaptée est-elle considérée comme un soin de support ? Que peut-elle apporter au patient ?
Dr Chèze : Tout à fait, l’activité physique fait partie des soins de support. On sait désormais qu’elle joue un rôle important au niveau de la douleur, de la fatigue. C’est un atout pour les patients. On sait également que l’activité physique peut avoir un impact sur la guérison, et sur la récidive dans le cas des cancers du sein. Depuis l’étude de Jennifer Temel sur les cancers du sein métastatiques, on sait que ce type de soin a un véritable impact. En hématologie, c’est autre chose, et on manque d’études pour prouver l’efficacité de ces traitements complémentaires.
Pr Damaj : Pour que de nouvelles activités soient mises en place, il faut qu’elles fonctionnent comme un médicament. Il faut donc que scientifiquement, on prouve qu’elles marchent vraiment. Or, pour l’instant, les études ne sont pas assez nombreuses.
Les créneaux pour des soins comme la réflexologie sont très rares au CHU de Caen, pourquoi ?
Dr Chèze : Les professionnels qui passent ne sont pas mobilisés à plein temps au sein du CHU. Nous aimerions que les créneaux soient plus nombreux, mais c’est ainsi. Il y a des problèmes de financement. La majorité des soins de support proposés sont financés par des associations. Il y a une défaillance du système qui est évidente. Il faudrait faire évoluer les activités, mais cela passe par de longues étapes administratives qui prennent beaucoup de temps pour faire évoluer les choses.
La nourriture n’est pas à la hauteur. Quelles sont les solutions ?
Pr Damaj : Je vois des mimiques dans la salle. Mais il faut savoir que nous n’avons aucun moyen de faire bouger ces choses-là. Ce n’est pas de notre ressort. Nous mangeons la plupart du temps la nourriture de l’hôpital, nous aussi. Par ailleurs, il n’est pas interdit d’apporter sa propre nourriture.
Anne-Laure Henry (vice-présidente de l’association Le Sourire d’Héléna) : Notre volonté est d’améliorer la qualité de vie des patients à l’hôpital. Nous avons un projet en cours avec la diététicienne. Nous avons un budget de 5 000 euros, et on vous promet que l’on fera tout pour changer les choses.