Argentan, le 25 novembre 2020
LE 15 novembre dernier, nous publiIons une tribune dans le Journal du Dimanche pour inciter les médecins traitants à préscrire une activité physique aux malades chroniques. Un texte signé par de nombreux médecins, chercheurs, et acteurs du monde du sport.
Le reconfinement marque un nouveau coup d’arrêt dans la pratique d’activité physique et sportive organisée des Français. On savait déjà que ni les adultes, ni les enfants, n’atteignent en temps normal les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), soit une demi-heure par jour pour les adultes et une heure pour les enfants. Mais les deux mois printaniers passés enfermés ont encore réduit le temps dédié à cette pratique. Elle s’est même effondrée chez les adolescents.
Le problème est que ne pas bouger tue. Des études scientifiques* ont montré que l’inactivité physique était même la première cause de mortalité évitable dans le monde. Malheureusement, en raison de la pandémie, les soins de support, complémentaires aux traitements des malades chroniques, ont presque disparu. Laure Guéroult-Accolas, fondatrice de l’association Patients en réseau, soulignait tristement qu’en cancérologie, 53% des soins de support, dont l’activité physique est un élément majeur, avaient tout simplement été annulés pendant le premier confinement. Pour les 17 millions de personnes touchées par une maladie chronique (cancer, maladies cardiovasculaires, diabète…), ne pas bouger est délétère. Alors que faire pour éviter qu’ils soient privés d’une meilleure qualité de vie lors de ce confinement automnal?
Prescrire de l’activité physique. En effet, cela est encore insuffisamment connu mais la loi permet depuis 2017 aux médecins de prescrire une activité physique adaptée (APA) à un malade en affection longue durée (ALD). C’est pourquoi pendant ce deuxième confinement, au même titre que les sportifs professionnels, le gouvernement a autorisé les malades (ALD et maladies chroniques sans ALD) ayant une prescription médicale à faire une activité supervisée à domicile ou à fréquenter gymnases, piscines, et certaines salles de sports avec des professionnels formés.
“Questionnez votre médecin”
Aujourd’hui, plus que jamais, il est donc primordial que les médecins s’emparent de cette opportunité pour prescrire massivement l’APA, une thérapie non-médicamenteuse reconnue par la Haute autorité de santé (HAS) depuis 2011 et qui n’en finit plus de démontrer des bénéfices importants dans la littérature scientifique. En cancérologie, l’activité physique adaptée est le seul traitement efficace pour lutter contre la fatigue. Dans les études épidémiologiques sur les principaux cancers, on note une baisse du risque de récidive allant jusqu’à 40% pour les patients les plus actifs. En 2019, l’Inserm a même reconnu qu’elle pouvait, dans certains cas, guérir le diabète de type 2 et qu’elle est aussi efficace que les médicaments pour traiter le stress et l’anxiété voire la dépression légère à modérée. Les preuves sont là, sous nos yeux.
Pourtant prescrire de l’activité physique sur ordonnance est loin d’être un réflexe. Ainsi, seulement 15% des Français se sont vus prescrire sur ordonnance une activité en particulier**.
Se priver de cette possibilité, en plein confinement, équivaut à ne pas proposer aux patients la totalité de leur traitement. Cela se traduit par une perte de chance considérable pour les malades chroniques, qui pourrait avoir des effets néfastes sur leur santé à court et moyen terme.
Enseignants en APA, kinésithérapeutes, ergothérapeutes, des professionnels du sport-santé existent partout sur le territoire pour accompagner les malades. Plus d’une centaine de ‘Maisons sport-santé’ ont même été labellisées par le gouvernement en début d’année pour guider les patients et les médecins.
Alors patients, questionnez votre médecin sans attendre pour sortir avec votre prescription d’activité physique pendant le confinement. Pour votre santé, c’est un bien de première nécessité!
Auteurs : Léa Dall’Aglio et Vincent Guerrier, journalistes sport-santé et auteurs de Malades de sport, un remède contre le cancer.
SIGNATAIRES
- Dr Valérie Fourneyron, ancienne ministre des Sports
- Dr Alexandre Feltz, médecin généraliste et adjoint à la Santé initiateur du sport sur ordonnance à Strasbourg
- Pr François Carré, cardiologue et médecin du sport au CHU de Rennes, auteur de Danger sédentarité
- Pr Martine Duclos, cheffe du service de médecine du sport du CHU de Clermont-Ferrand
- Pr Grégory Ninot, PhDs, université de Montpellier, Institut du cancer de Montpellier, plateforme Ceps
- Pr Emmanuel Babin, chirurgien ORL et responsable de la Fédération de cancérologie
- Pr Claire Tourny, PhDs, université de Rouen, responsable axe sport-santé
- Pr Anne Vuillemin, directrice de l’École universitaire de recherche Healthy, écosystèmes des sciences de la santé
- Société française des professionnels en Activité physique adaptée (SFP-APA)
- Dr Guillaume Barucq, médecin généraliste à Biarritz
- Dr Xavier Blaizot, PhD, coordonnateur réseau régional de cancérologie Onconormandie
- Dr Stéphane Chèze, hématologue au CHU de Caen et représentant de l’Association française des soins de support (Afsos)
- Alain Daireaux, ancien médecin conseiller DRDJSCS Normandie
- Dr Antoine Desvergée, docteur en médecine physique et réadaptation au CHU de Caen
- Dr Clémence Ferrandez, chef de clinique en médecine physique et réadaptation et médecine du sport au CHU de Caen
- Aude-Marie Foucaut, enseignante-chercheuse, université Sorbonne Paris-Nord, co-autrice du livre Ordonnance, activité physique aux éditions Maloine
- Dr Guillaume Levavasseur, médecin du sport à Rouen
- Dr Marc Rozemblat, président du syndicat natonal des médecins du sport-santé
- Nicolas Marais, président du CROS Normandie
- Jean Mesnildrey, président de la Ligue de Normandie de judo
- Anthony Peullier, chargé de mission sport-santé au Centre sportif de Normandie
- Dr Alexis Ruet, médecin spécialiste de médecine physique et de réadaptation, CHU de Caen
- Mathieu Vergnault, enseignant en activité physique adaptée, président de la SFP-APA, co-auteur du livre Ordonnance, activité physique aux éditions Maloine
- APA de Géant, maison sport-santé en Essonne
- S’Capad Santé, maison sport-santé à Angers
- Fabrice Huré, patient dialysé, militant pour la dialyse de nuit.
* Wen CP, Wu X. Stressing harms of physical inactivity to promote exercise. Lancet. 2012:4.
** Baromètre Sport-Santé FFEPGV, 2019, Vague 5.