Caen, mardi 16 février 2021
Très peu formés en matière de prescription de l’activité physique adaptée, les médecins traitants manquent parfois d’outils pratiques. C’est la vocation de ce livre : Ordonnances – Activité physique : 90 prescriptions. Explications de texte avec deux des auteurs de cet ouvrage collectif : Aude-Marie Foucaut, maîtresse de conférences et coordinatrice de ce travail collectif, et Mathieu Vergnault, enseignant en Activité physique adaptée et contractuel au STAPS de l’Université Sorbonne Paris Nord.
Votre ouvrage collectif paraît dans la collection Ordonnances des éditions Maloine, qui vous l’a commandé. Il existe donc maintenant des ordonnances d’activité physique adaptée spécifiques par pathologie ?
Mathieu Vergnault : On était un peu réfractaires au départ à cause de cela, du terme “ordonnance”, car on ne peut pas appliquer de recettes en Activité physique adaptée. Notre ouvrage s’adresse à des médecins mais on ne voudrait pas qu’ils s’en servent selon une logique A + B = C. L’APA c’est beaucoup plus complexe : c’est spécifique à une personne, en prenant en compte l’environnement dans lequel elle peut pratiquer, en fonction de la politique de santé de son territoire, etc.
Le fait de voir l’AP comme un médicament nous questionne, car cela renvoie à une image passive : je prends un comprimé et je suis guéri.
Par ailleurs, nous ne sommes pas dans l’injection mais nous donnons des indications.
Aude-Marie Foucaut : Des indications en termes de fréquence, de temps, d’intensité et de type d’activité (endurance, aérobie ou renforcement musculaire). Ça reste très ouvert.
On est aussi dans une démarche de motivation, c’est-à-dire de faire prendre conscience au médecin que prescrire de l’activité physique, c’est difficile, parce que accompagner un patient dans un nouveau comportement. C’est un contrat qui doit se faire avec le patient. Et plus le médecin connaîtra les outils dont il peut se servir, plus il sera capable d’entrer dans le dialogue avec son patient pour définir son projet sur le long terme.
Comment est-ce que cela se présente, concrètement ? Quel est l’objectif de ce livre ?
AMF : On a fait un plan suivant toutes les pathologies qui pouvaient bénéficier de l’AP. Selon la logique du médecin, on a commencé par les Affections longue durée (ALD), qui sont considérées dans le décret. Puis dans une deuxième partie, par ordre alphabétique, d’autres pathologies.
C’est vraiment un ouvrage pratique pour les médecins : il n’a qu’à ouvrir la page de telle ou telle pathologie pour savoir quelle ordonnance faire. On y écrit aussi ce qu’ils doivent dire ou ne pas dire : ne pas dire le mot “sport”, ne pas culpabiliser le patient, lui conseiller de s’arrêter s’il se sent essoufflé… Tout ça de façon assez vulgarisée pour que le médecin puisse expliquer à son patient assez facilement.
Et c’est aussi un document de travail, avec des cases libres à chaque page pour qu’ils puissent y noter leurs observations, leurs notes personnelles.
MV : On ne dit pas qu’il faut telle activité physique pour telle pathologie, comme dire qu’il faut prescrire de l’escrime dans le cas d’un cancer du sein. On a aussi écrit une introduction pour bien poser le propos, pour contextualiser le sujet et parler des études.
AM : C’est un ouvrage avec une base scientifique ; on s’est basés sur des données des sociétés savantes, on a utilisé des méta-analyses avec de hauts niveaux de preuves.
MV : Les preuves de la littérature forment un triptyque avec le professionnel de l’APA et le patient. C’est le savant mélange des trois qui forme l’ordonnance. Il ne faut oublier ni les compétences du professionnel ni le patient et son degré de motivation. Encore une fois, si on donne des recettes du type “10 minutes de tai chi comme ci et 10 minutes comme ça”, on oublie ces deux critères-là.
Comment avez-vous travaillé pour fournir un ouvrage collectif ?
AMF : On a réparti les parties en fonction de nos expertises, ce qu’on appelle une clé de répartition. Alexandra Landry a la double spécialité éducation-motricité et APA et est autrice d’une thèse dédiée à l’APA sur les lombalgiques ; François Lhuissier est un médecin spécialisé en médecine du sport et en physiologie ; et Didier Chapelot est un ancien médecin généraliste, responsable d’une licence Activité physique adaptée et santé (APA-S) à l’université Sorbonne Paris Nord. C’est bien d’avoir travaillé avec des médecins, pour savoir comment trier les informations nécessaires au praticien, pour qu’il puisse utiliser le livre rapidement.
MV : Mais ce qui nous a pris le plus de temps, c’était le fait d’harmoniser le vocabulaire, entre ce qui est utilisé par les médecins et ce qui est utilisé par les Enseignants en Activité Physique Adaptée (EAPA). Est-ce qu’on écrit endurance ou aérobie ? Il nous a fallu confronter les regards des professionnels du terrain et des médecins. Qu’est-ce qu’on cherche à dire et comment on le dit ?
AMF : On espère vraiment toucher les médecins. Nous avons assez peu de retours de leur part pour l’instant. Le levier patient est également très fort. Ce sont parfois eux qui vont questionner un médecin sur cette thématique. On sait pourtant que si en consultation, un médecin demandait “Est-ce que vous bougez?”, le patient va l’entendre et se demander s’il est en capacité de changer son mode de vie. Il y aura peut-être des mises à jour de ce livre en fonction des avancées scientifiques.
Ordonnances – Activité physique : 90 prescriptions, par Aude-Marie Foucaut (coordinatrice), Mathieu Vergnault, Alexandra Landry, François Lhuissier et Didier Chapelot, publié en octobre 2020 aux éditions Maloine. 488 pages, 35 €.